Quelles sont les tendances majeures qui transforment le secteur des assurances au Luxembourg aujourd’hui ?
Sarah Hartmann : Plusieurs dynamiques transforment actuellement le marché luxembourgeois. Elles ne sont pas forcément nouvelles, mais elles continuent à façonner en profondeur notre environnement.
La première est l’incontournable transformation numérique et l’essor de l’IA. Les perspectives sont nombreuses pour les acteurs du secteur : automatisation accrue, intégration de l’IA, générative ou non, dans les processus d’assurance, qu’il s’agisse de la souscription, de la gestion des sinistres, de la conformité ou encore de la relation client.
Vient ensuite l’évolution réglementaire, toujours très présente, notamment avec DORA, les exigences ESG/CSRD ou les nouvelles initiatives européennes en matière de résilience opérationnelle et de protection des consommateurs. La volonté de simplification exprimée par les instances européennes reste encore peu perceptible sur le terrain, mais l’on peut espérer qu’elle se concrétise progressivement.
Ces deux thèmes, IA et réglementation, ont d’ailleurs chacun fait l’objet d’une conférence lors de notre ACA Insurance Day du 27.11.25.
Un autre sujet abordé lors de cet événement est celui de la compétitivité. La pression concurrentielle, l’évolution du Private Wealth et les attentes d’une clientèle internationale toujours plus exigeante comptent parmi les tendances qui façonnent également notre marché.
Enfin, certaines thématiques méritent également d’être mentionnées : la montée des risques nouveaux (cyber, climat, fraude, continuité d’activité, géopolitique) ainsi que le renforcement des attentes des clients, qui recherchent davantage de transparence, de simplicité, de rapidité et de personnalisation dans les produits et services.
Quels sont les principaux défis qui en résultent ?
SH : Ces tendances se traduisent par plusieurs défis concrets pour les assureurs luxembourgeois. Le premier consiste à trouver l’équilibre entre innovation et conformité. L’intégration de l’IA, du cloud ou de nouvelles formes de sous-traitance ouvre de nombreuses opportunités, mais elle s’accompagne d’un cadre réglementaire dense qui impose une gouvernance solide et une maîtrise accrue des risques. Lors de l’ACA Insurance Day, plusieurs acteurs ont d’ailleurs insisté sur la difficulté de gérer l’accumulation de textes, qui peut freiner l’innovation.
Les entreprises doivent aussi renforcer leur résilience opérationnelle, face à la hausse des incidents cyber, aux dépendances technologiques et aux enjeux de continuité d’activité.
Parallèlement, la pression sur les modèles économiques oblige les assureurs à revoir leur organisation et leur offre, dans un contexte de risques plus complexes et de marges plus contraintes.
S’ajoute un défi de talents, les compétences en Data, IT, Compliance ou Risk Management étant très recherchées et faisant l’objet d’une forte concurrence entre acteurs.
Enfin, les attentes des clients évoluent rapidement : ils attendent davantage de simplicité, de digitalisation et de transparence, ce qui pousse les assureurs à repenser l’expérience qu’ils proposent.
Comment les compagnies d’assurance luxembourgeoises s’adaptent-elles à ces défis, et quelles stratégies mettent-elles en place pour maintenir leur compétitivité et leur agilité ?
SH : Les acteurs du marché luxembourgeois peuvent réagir via plusieurs axes. Par exemple en intensifiant leurs programmes de digitalisation qui incluent entre autres : automatisation, modernisation des systèmes, migration vers des architectures plus modulaires (API, cloud), et expérimentation de l’IA générative.
D’autres leviers existent : celui de l’investissement dans les compétences internes, avec des plans de formation plus structurés sur les sujets réglementaires, technologiques et data. Ou encore le développement de nouvelles offres plus personnalisées, en s’appuyant sur la data pour adapter les produits aux besoins de segments spécifiques. Également, une collaboration accrue au sein de l’écosystème, que ce soit avec les Fintechs, les prestataires ICT ou via des initiatives sectorielles portées par des fédérations telles que l’ACA (échanges de bonnes pratiques, guidelines, formations).
Les acteurs du marché répondent à ces défis par plusieurs leviers complémentaires.
Ils accélèrent leurs programmes de digitalisation, en modernisant leurs systèmes, en développant l’automatisation et en expérimentant l’IA générative sur des cas d’usage à forte valeur ajoutée. En parallèle, ils renforcent leur gouvernance ICT et cyber, conformément aux exigences de DORA, tout en structurant des processus plus robustes de gestion des incidents et de continuité d’activité.
Le secteur œuvre également à préserver sa compétitivité, un thème largement discuté lors de l’ACA Insurance Day. Cela passe par une offre plus personnalisée, mais aussi par une coopération accrue entre acteurs pour défendre un cadre réglementaire plus lisible et favorable à l’innovation.
Enfin, les assureurs investissent de plus en plus dans les compétences internes, que ce soit via des plans de formation renforcés, des parcours métiers spécialisés ou, plus largement, via des initiatives sectorielles portées par des associations professionnelles telles que l’ACA. La création de la chaire en sciences actuarielles à l’Université du Luxembourg, portée par l’ACA, en est une illustration concrète.
Quel rôle joue la formation professionnelle continue dans ces stratégies, et quelles initiatives concrètes permettent de développer les compétences nécessaires pour anticiper et relever ces enjeux ?
SH : La formation professionnelle continue est un élément incontournable de la stratégie des assureurs. Dans un contexte où les réglementations, les technologies et les risques évoluent rapidement, elle permet de maintenir les compétences à niveau et d’accompagner les transformations sans rupture.
Elle joue d’abord un rôle clé pour maîtriser un cadre réglementaire toujours plus dense. Elle aide également à intégrer les nouveaux outils numériques — data, IA, cybersécurité, cloud — et à diffuser une culture de résilience au sein des équipes.
Au-delà de l’aspect technique, la formation soutient aussi l’adaptation organisationnelle, en développant des compétences en gestion de projet, en conduite du changement ou en agilité, devenues essentielles dans un secteur en mouvement permanent.
Pour répondre à ces besoins, plusieurs initiatives se complètent : les programmes spécialisés proposés par la House of Training, dont certains sont développés en partenariat avec l’ACA, les formations internes plus opérationnelles, ainsi que les échanges de bonnes pratiques au sein des groupes de travail sectoriels de l’ACA.
En somme, la formation professionnelle continue n’est plus seulement un outil d’accompagnement : elle est l’un des moteurs de la capacité d’anticipation et d’agilité des assureurs luxembourgeois.
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